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Self-control: Le perdre évite de terminer sa carrière de trader dans l'impasse du contrôle, qui, visiblement, n'est pas encore au point ... ce qui finalement arrange tout le monde.

Société Géniale Générale, Autre temps, mêmes moeurs

Dans une autre vie, c'était au siècle dernier, j'ai pendant quelques mois effectué une mission pour le Matif, le  Marché à Terme International de France, fusionné depuis avec Paris Bourse SBF SA, puis intégré dans la plate-forme paneuropéenne Euronext des marchés dérivés côtés à Paris.

Des recommandations sur la politique de mécénat du Matif. Un quasi oxymoron au pays du profit immédiat. J'y ai croisé quelques specimen étonnants. Cela ne me donne pas de légitimité à imposer des vérités dont je maîtrise mal les tenants et les aboutissants, juste à dresser un arrière-plan impressionniste, qui lui n'a guère changé.

A cette époque, insolente et dorée, survivaient encore quelques dinosaures nostalgiques de la Corbeille, moribonde depuis 87. Ceux qui alternaient des 'j'ai, j'ai' avec des 'je vends, je vends' en gesticulant un langage pour sourds et muets, anesthésiés des états d'âme et dopés au cynisme. Folkloriques et parfois effrayants. Mais ils parlaient d'Art avec passion. A quelques exceptions près.

Depuis quelques années déjà, tout le monde avait été scotché derrière de multi-écrans, des claviers, des téléphones devenus mobiles, du proto push-mail, du pousse-toi de là que je m'y mette, où, les personnes comme les chiffres, devenaient autant de données abstraites.

La distanciation, inévitable, voire salutaire, et son excès, la dérréalisation, ne permettaient pas de rencontre possible IRL avec 1, 13 ou 50 milliard d'euros pour remettre les pendules à l'heure et les deux pieds dans la réalité de la valeur des choses. Le trader brassait pour acquérir ses lettres de noblesse. De l'argent. Ou plutôt des chiffres. En nombre.

Et pour ne voir que des chiffres, il faut des yeux d'acier, des nerfs d'acier, une main de fer et du plomb dans la cervelle. Au mieux ça insensibilise temporairement, au pire ça déshumanise dangereusement. Rien n'a vraiment changé. La complexité des systèmes, la volatilité, la prise de risque, l'intuition et l'engrenage du maintien des positions.

Trader

Et la pression, ça fait rouiller les golden boyz, de moins en moins golden avec le temps -- c'est pour cela qu'ils sont rares passés 35 ans -- et puis surtout, la virtualité des chiffres, ça donne un sentiment de toute puissance. Les nombres gouvernent le monde, prétendait Pythagore. Que dire alors de ceux qui gouvernent les nombres ...

Ben voila, ça y est. On tient le nouveau bouquet mystère, le remplaçant de Nick Leeson. Un trader britannique de 28 ans, passé à la postérité en 1995 pour avoir engagé 27 milliards d'USD sur les produits dérivés asiatiques et provoqué 950 millions d'euros de pertes pour la Barings. Pour se refaire d'un premier million perdu non avoué. Condamné à 6 ans de prison à Singapour. C'est la loi du marché. Immuable.

A ceci près qu'aujourd'hui le nouveau fusible a un compte FaceBook. Sa photo, son nom, sa vie circulent plus vite, partout, vraiment partout. Au mépris de la présomption d'innocence. Et ce qui gêne dans l'histoire, outre l'énormité de la somme, c'est le timing.

La virtualité des chutes qu'il a provoquées masque-t-elle une partie bien réelle des milliards de pertes de la banque sur les crédits à risque américains ? Lui aussi, dérréalisé par le web. Un solitaire -- l'humain pas le gemme -- qui perd 5 milliards d'euros* malgré les garde-fou du contrôle. L'histoire est jolie : aucun jour de congès pris ces 2 dernières années, un environnement affectif fragilisé, un déni des pertes engendrées. Un fou ? Peut-être.

Qu'on se rassure. S'il a vraiment commis un délit et si sa santé mentale y survit, il aura 5 années de prison, 1 par milliard perdu, pour rédiger son autobiographie, manuscrite - l'accès à un ordinateur serait, comment dirais-je, déplacé. Il en négociera les droits avec Hollywood pour un film catastrophe. Et ensuite, vivant de journées de conseil en diners-débats, le petit trader français pourra monnayer ses futures interviews quand un prochain fusible sera mis en pâture à la vindicte publique du panem et circenses. C'est un peu dur pour sa famille et ses proches ? Mais c'est la loi du marché, ma pauv' lucette. Immuable.

Anecdotique, il suffit de suivre la désaffection des amis de son compte FaceBook. Il lui en reste un. Trop absorbé par son écran pour prendre le temps de le rayer de la liste ou un vrai ami ?

De toute façon, à 31 ans il fallait bien songer à une reconversion. Et pour ceux de sa hiérarchie qu'il entrainera dans sa chute ? Un golden parachute devrait amortir la descente aux affaires.

En (sub)prime pour les amateurs de jeu de rôles, la quasi histoire vraie chez Charles. Fumeux comme un Cohiba, mais plausible.

Et, tout aussi plausible, l'article le plus documenté écrit par un bloggeur ... que les journalistes auraient dû lire sept fois avant de taper sur leur clavier ! Certes, ce n'est pas parce que c'est plausible que c'est vrai, mais cela autorise au moins à modérer ses propos quant à la soi-disant impossibilité de la chose.

* Selon le bon vieux principe des vases communiquants ces 5 milliards qui, apparamment, n'ont pas été détournés, ont été gagnés par d'autres. Des banques, probablement. Le système bancaire gagne à tous les coups, mais il faut des perdants et des gagnants. C'est la loi du marché. Immuable.

PS.:  jeromekerviel.com, jeromekerviel.net ou encore jerome.kerviel.com sont déjà achetés. C'est la loi du web. Immuable.

Update du 29 janvier : la suite factuelle, précise et documentée du feuilleton chez Fabrice Lhomme (qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours !)

Tag(s) : #MytheOuMytho
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